09 juil. 2020, 23:03
Le Grand Pontife était arrivé hier soir à l’aéroport d’Arkadis où il avait été accueilli par les autorités. C’était la première fois qu’un Grand Pontife venait en Arkadia. Même du temps où l’hérésie n’était pas encore installée, les souveraines pontifes ne s’étaient jamais déplacés aussi loin de la citadelle de Saint-Constantin. Après une entrevue avec le nouveau Patriarche, Mgr Horsfal, le Grand Pontife avait rencontré le futur Roi d’Arkadia et son épouse. Louis Delfrous s’était alors confié à lui lors d’un ultime sacrement du pardon. Dans la cathédrale, les nombreux fidèles triés sur le volet pour assister au couronnement du Roi étaient déjà installés quand le Grand Pontife arriva. Accompagné du Patriarche de l’état insulaire et de la dizaine de plus hauts clercs du pays, il attendait l’arrivée du futur couple royal. A 11h précises, l’hymne national fut joué par l’orgue centenaire de la cathédrale, accompagné par les cloches de l’édifice, quand une voiture arriva. Le couple royal descendit et gravit les quelques marches du parvis, tandis que les militaires se mettaient au garde à vous sur leur passage. Le Grand Pontife les accueillit en les saluant chaleureusement. Les clercs entrèrent ensuite en procession dans la cathédrale, suivis par le couple royal et tous les artefacts royaux et religieux qui allaient servir au sacre. Une fois arrivé à l’autel, les clercs embrassèrent l’autel que le Grand Pontife consacra pour la première cérémonie de la vraie foi constantine. Une fois tous les clercs et le futur Roi installés, le Grand Pontife, qui était resté debout devant l’autel dit en arkadien :
“Que le Sort vous soit favorable !”
Vêtu de sa chasuble blanche, le Grand-Pontife présida alors l’ensemble du sacre avec une vigueur que l’on ne soupçonnait pas de la part d’un homme déjà prédicateur avant même la naissance de la plupart des invités présents. Sa constitution et son esprit encore vifs balayèrent toute question portant sur son âge que les membres du dernier concile auraient pu exprimer, assurant son élection à l’unanimité. Aujourd’hui, le successeur de Saint Constantin accomplissait l’un des actes les plus importants après son départ de la Sainte Forteresse.
Lorsque le monarque s’assit, des mandrites en provenance de la Cité Arkis, siège de la religion constantine à Arkadia, arrivèrent en portant la relique de Saint Kevin, un sable mêlé de sang que le premier patriarche créa en annonçant le souverain Arkadien originel, Kevin Ier lointain ancêtre de Louis II selon les historiens royaux. Louis prêta alors un premier serment, celui de préserver l’Église constantine dans ses droits et prérogatives, ainsi que de protéger et étendre la foi constantine à travers l’univers. Puis il se leva pour affirmer un second serment, cette fois portant sur l’Empire du Saphyr, par lequel il s’engagea à être un souverain miséricordieux et juste, cherchant par toutes ses actions à maintenir la paix dans le pays ainsi que de servir avec fidélité l’Empereur Victor Ier, le Protecteur d’Arkadia. Aussitôt, les deux emblèmes de chevalerie du Roi, son épée et ses éperons, furent présentés à Basileus IV, qui les bénit.
Louis s’allongea ensuite à plat ventre devant le maître-autel, reproduisant les fameux prosternements de Kevin Ier face aux manifestations du Sort, geste que les ecclésiastiques constantin arkadien devaient également accomplir durant leurs sacrements de l’ordre. A bien des égards, le sacre ressemblait en effet par moment à l’ordination sacerdotale d’un exarque. Toutefois, il soulignait d’abord le caractère sacré de la personne du monarque qui, ainsi institué, s’approchait plus que nul autre individu, à l’exception du Grand-Pontife, de la grâce du Sort, c’est-à-dire de la fusion finale de l’homme avec la grande vérité.
Cette qualité particulière, mêlant le temporel et le spirituel bien davantage que chez les autres monarchies du monde, était actée lors de l’application de la Sainte myrrhe sur la chair du souverain. Après que ce dernier se fusse relevé, Basileus IV entama les onctions sur les parties du corps visibles à travers la chemise plusieurs fois fendue que portait le jeune homme. Le mélange légèrement huileux recelait un rouge encore vif malgré les siècles passés, comme-si le sang venait à l’instant d’être récolté sur Kevin Ier. Le front et les mains furent oints en dernier avant que l’on ne complète enfin l’habillement de sacre du Roi, à savoir les gants, la dalmatique, le grand manteau à fermail, les attributs bénis de chevalier, et le sceptre. C’est alors qu’une première tiare, celle d’Ostaria, fut brièvement posée sur la tête du monarque, puis enfin la couronne d’Arkadia qu’il conserverait quant à elle jusqu’aux derniers chants de la cérémonie.
En plaçant le couvre-chef d’or et de pierres précieuses, le Grand-Pontife réitéra les fameuses paroles du Sort a Kevin Ier alors encore enfant rappelant que son réel pouvoir était contenu dans sa lame qui unifia l'île d’Arkadia.
" L’epée te lie à la terre, Comme ta volonté est liée au peuple, Aie pour lui l'amour d'un père, Car sans cela tu seras tyran. Le Sang te lie à la terre, Comme leur salut est lié au tien, Veille toujours en âme-freire, Car sans eux tu ne serais rien.
La douleur que tu ressens n’est rien. Vois comme il est nécessaire d’allier sang & acier, Pour atteindre la douceur d'un avenir tant désiré, Apprends que pour posséder tant & tant de biens, Il a fallu, il faut et il faudra créer du chagrin, Comprends que rien n’existe sans guerre, Il en faudra hélas pour conquérir ta terre.
Si tu dois combattre, tu combattras, Si tu dois périr, tu périras, Afin qu'à jamais s’ouvre le renouveau d’Arkadia, Et que tu revives, Majesté, à nouveau. "
Il compléta le passage des Saintes Notes Arkadienne en chœur avec toutes les voix constantine présentes.
" Au nom de l’Epée, du Sang & de la Terre, ainsi soit-il. "
Avant de regagner sa place,Basileus IV embrassa le monarque et clama par trois fois avec les grands seigneurs arkadien la formule de circonstance.
" Que le Sort vous soit favorable !"
Louis II - ses obligations principales étant achevées - fut accompagné au sommet d’une sorte de jubé au centre de la basilique d’où il assista à la messe proprement dite. Cette dernière annonçait la dernière phase du sacre. De son côté, le Chancelier placé parmi les autres membres de la cour semblait déjà réfléchir à la planification des demandes de rencontre avec le suzerain fraîchement couronné. Il parviendrait sans difficulté à trouver quelques heures libérées durant le banquet nocturne.
La messe achevée, la conclusion du sacre s’apparenta à une véritable apothéose. Les portes de la Basilique s’ouvrirent et une multitude d’arkadien de toute condition entrèrent dans la première moitié de la nef sous le son des cloches de l’édifice bientôt suivi de salves de canon tirées à proximité. Des hérauts lâchèrent dans un premier temps une multitude de colombes qui tournoyèrent dans le chœur de la basilique avant de s’envoler tel un grand voile de plumes blanches vers les cieux de la capitale, puis ils se mirent à jeter en direction du peuple des médailles dont les gravures immortalisaient le moment avec le visage du nouveau Roi.
Sa Majesté Très Fidèle redescendit alors vers le maître-autel et présenta une série d’offrandes dont une grosse coupe en métal précieux et des pièces d’or. Il embrassa le recueil des Saintes-Notes Arkadienne et s’inclina une dernière fois pour se joindre à la procession quittant la basilique par le Chemin du Roi. Le souverain et ses suivants retournèrent au Palais Divin où se tint le soir même dans la vaste salle principale un festin béni par le Grand-Pontife et réglé par une étiquette rigoureuse. Le repas se conclut lorsque le monarque prit congé des invités et se retira dans ses appartements pour la nuit. Le lendemain, dès l’aube, il rejoindrait la partie officielle du Palais et reprendrait en main les affaires du Royaume.