[LXXIIème Législature] Loi relative à l'interdiction de l'écriture inclusive

[Ella Hegstad-Olsen]

Mesdames et Messieurs les députés,

Veuillez trouver ci-joint un projet de loi présenté par la majorité principautaire.

Loi relative à l'interdiction de l'usage de l'écriture inclusive

Article 1. -
L'usage de l'écriture inclusive est formellement interdite à toute personne morale, qu'elle soit privée ou publique, dès lors qu'elle bénéficie de subventions de la Principauté de Njördland.

Article 2. -
Toute personne morale qui sollicite auprès de la Principauté de Njördland une subvention quelconque s'engage de facto à respecter la règle énoncée par l'article 1 du présent texte.

Article 3. -
Toute infraction à cette interdiction entraînera la suspension automatique des subventions accordées par la Principauté de Njördland, sans possibilité d'en percevoir dans les deux ans qui suivent.

Le XXX, à Rosyth.

La Très Honorable Ella Hegstad-Olsen
Ministre-Présidente de Njördland

Le débat dure 48 heures à compter de la présentation du texte par son auteur.

[Ella Hegstad-Olsen]

Mesdames et Messieurs les Députés,

Au nom de la majorité principautaire, j'ai l'honneur de vous introduire ce projet visant à proscrire l'usage de l'écriture inclusive par toute personne morale ou publique qui bénéficie de subventions de la Principauté. En outre, il prévoir la suspension automatique desdites subventions dès lors que cette règle est enfreinte.

C'est avec effarement que nous constatons, depuis nombreuses années, que de nombreuses entités, qu'elles soient publiques ou privées, se permettent de faire usage de l'écriture inclusive, qui est aussi inutile que nuisible.

L'écriture inclusive est un insupportable contresens. Effectivement, notre est le produit de notre société et de ses rapports sociaux. Elle ne doit en aucun cas constituer un outil pour faire évoluer lesdits rapports. Ainsi, il est totalement contre-productif de rejeter sur la grammaire du phoécien d'Arcadie nos propres responsabilités de dirigeants politiques.

Ce n'est pas au niveau de la langue mais à celui du quotidien que nous annihilerons les inégalités entre les deux genres. Je pense à la répartition des tâches dans la famille, aux rôles alloués aux hommes et aux femmes dans la publicité ou dans le contenu de nos programmes scolaires ou encore aux différences de salaires, par exemple. C'est bien sur ces éléments que les stéréotypes inégalitaires se forment.

En plus, l'écriture inclusive ajoute une complexité inutile à une langue qui s'avère déjà l'une des plus techniques de notre continent.

En conséquence, la Principauté de Njördland prendra ses responsabilités en coupant toute subvention aux personnes morales, privées comme publiques, qui s'évertueront à faire usage de cette écriture. Notre action en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes prendra une tournure bien plus efficience que le simple usage des potions progressistes.

Je vous remercie.

[Ingeborg Thorsen]

Mesdames et Messieurs les députés,

Cette simple formule relève de l'écriture inclusive. En ce sens, si votre loi venait à passer, chacun de nous serait hors-la-loi et obligerait notre Principauté à priver le Parlement de ses moyens. Dire simplement, les Njörlandais et les Njörlandaises, c'est de l'inclusivité et nous ne pouvons pas condamner cette forme d'écriture inclusive. Par ailleurs, je remarque que vous vous attaquez à l'écriture inclusive qui n'est d'ailleurs pas tant utilisée que cela dans notre langue [IRL les langues nordiques n'ont pas de genre] mais que vous ne vous attaquez pas aux écritures qui aseptisent notre réalité et font évoluer les rapports sociaux sous une forme de douce domination du prolétariat.
Prolétaire, un terme que vous-mêmes préférez remplacer par salarié. Exploitation, vous l'avez abandonné pour l'emploi. Bref, vous aussi, vous avez un langage et une écriture qui cherchent à modifier nos rapports sociaux, et ce, que vous le vouliez ou non. Ainsi, il est invraisemblable d'interdire une forme de langage plutôt qu'une autre. Nous ne sommes pas dans une dictature eibadique pour dire ce qu'il faut ou non écrire !
Si j'ai envie de dire "Saphyriens, Saphyriennes", la Principauté n'a pas à donner son avis et m'en interdire de le faire. Pas plus qu'elle n'a à vous interdire formellement de commencer vos interventions par "Mesdames et Messieurs", or cela aussi c'est de l'écriture inclusive.

En conséquent, mesdames et messieurs les députés,
Le groupe communiste s'opposera à ce projet qui va à l'encontre des droits de chacun et de chacune,
Je vous remercie, mesdames et messieurs.

[Ella Hegstad-Olsen]

Monsieur Nesheim,

Vous n'ignorez sans doute pas que nous employons quotidiennement de nombreuses expressions et autres tournures de phrases à l'oral sans faire de même à l'écrit. La formule "Mesdames et Messieurs" ne déroge pas à cette observation. Nous ne pouvons nous permettre d'apporter autant de lourdeur à notre langue écrite, qui se distingue déjà par sa complexité grammaticale et orthographique.

Je ne réagirai pas davantage que ça au procès d'intention que vous me faites concernant une prétendue volonté de modifier les rapports sociaux dans le mauvais sens. Cet argument n'est pas recevable et s'avère en plus hors propos.

Comme j'ai pu le dire tout à l'heure, ce n'est pas dans l'apparence mais dans les agissements que l'on peut faire montre de son aptitude à agir pour les plus précaires et ceux qui souffrent de toute forme de discrimination. Notre action sociale et sociétale se veut beaucoup plus pragmatique que cosmétique. Or, comme je l'ai rappelé, l'écriture inclusive ne fait en rien avancer la cause des inégalités entre les genres. Elle apporte une lourdeur inutile à nos écrits sans régler quoi que ce soit.

Enfin, il ne s'agit pas d'une interdiction totale : libre aux organisations qui le souhaitent de continuer à se servir de l'écriture inclusive. Simplement, en faisant cela elles renoncent automatiquement aux subventions de la Principauté.