01 nov. 2019, 00:36
Après des semaines à enchaîner galas, soirées mondaines et réceptions entre gens de la petite noblesse, Hans daigna enfin participer aux sessions de la Diète, qui était remarquablement calme, comme d'habitude. C'était sans compter sur l'actualité récente, qui allait lui permettre de parler de lui et de son immense expérience - ce qu'il adorait faire, surtout en présence de ses amis nobles.
Monsieur le Président de la Diète, Votre Altesse Sérénissime,
Très Honorable Président du Conseil,
Je me permets de vous interpeller en tant que premier conseiller de Sa Majesté Impériale, ainsi que comme son Haut-Consul, en charge du Ministère de la Diplomatie pour lequel j'ai travaillé tout le long de ma vie active. Ma question porte sur les récentes actualités internationales, ou pour être précis, sur les récents changements politiques opérés au sein d'une nation qui était anciennement partenaire de l'Empire.
Plus tôt dans la journée, le gouvernement ostarien a rendu public un rapport qui, en somme, expliquait avec des éléments à l'appui que mon homologue l'ambassadrice du Borowen en Ostaria Corman Drex avait été assassinée par son propre gouvernement, apportant enfin une conclusion à une enquête difficile. Enquête d'autant plus difficile que d'aucuns cherchaient à la maintenir dans l'opacité la plus totale, tout en insinuant notre responsabilité en tant qu'État dans cette affreuse tragédie.
Ces éléments non seulement prouvaient le Mal et l'infamie qui ronge depuis des décennies cet État totalitaire, mais de surcroît, contredisent une bonne fois pour toute la version officieuse du gouvernement borowenien et que celui-ci a tenté de répandre dans le milieu diplomatique, à savoir que le gouvernement de Sa Majesté Impériale avait commandité cet assassinat.
La révélation de ces documents est donc à la fois la preuve d'un effort du nouveau chef du gouvernement, mais c'est également la preuve que son prédécesseur aura préféré garder secret des éléments qui auraient pu faire taire les accusations de meurtre de diplomate dont notre pays était victime, et mieux encore, que cet ancien chef de gouvernement aura même préféré, en connaissance des éléments, assurer le gouvernement coupable de sa plus parfaite collaboration, selon ses propres mots.
La République d'Ostaria a longtemps fait l'autruche en ce qui concerne notre relation bilatérale, qu'il s'agisse du refus de reconnaître officiellement ses torts après l'incident d'il y a 5 ans - et ce bien que le ministre responsable ait été limogé peu de temps après - ou encore de l'arrestation et de l'expulsion du Député palatin Hensel alors invité au Congrès d'un parti d'opposition ostarien. Mais là, il s'agit de bien plus grave. Il s'agit du refus de divulguer une information qui pouvait définitivement mettre un terme à l'opération de sabotage de réputation dont notre pays a été victime par les fascistes de l'Unitstat.
Le Premier Ministre à l'origine du refus de divulguer ces informations, le même d'ailleurs, qui a œuvré à la destruction de nos relations diplomatiques, est aujourd'hui le Président de la République. Un Président élu par défaut, aujourd'hui désavoué par son propre peuple, qui a préféré léguer le pouvoir à l'opposition parlementaire, désormais majoritaire. La preuve d'une personnalité en quête de polémiques et controversable sur ses décisions autant à l'extérieur qu'à l'intérieur.
J'en profite par ailleurs pour partager à la Diète mon expérience : en tant que diplomate de carrière, j'ai été confronté à moult situations délicates, mais jamais une telle volonté de nuisance que celle subie lors de l'incident avec Ostaria. Une volonté de nuisance de la part de l'actuel Président qui s'est traduit par une rupture unilatérale des relations, par l'arrestation de nos parlementaires, par la fermeture forcée et le blocage de la section consulaire de l'Ambassade du Saphyr, privant nos concitoyens expatriés là-bas d'un lieu où bénéficier de la possibilité de voter et des services administratifs de base, et ce en parfaite violation du droit international. Violations qui d'ailleurs étaient légions sous ce gouvernement.
Maintenant, Très Honorable Président du Conseil, j'aimerai partager avec vous deux constats.
Le premier, c'est que le parti nationaliste et isolationniste du Président Bretigny est désormais minoritaire, et que la formation d'une nouvelle majorité pourrait être l'opportunité que nous attendions pour faire lever les sanctions imposées par l'Ostaria et rétablir des relations normales entre nos deux pays. Ou, a minima, rouvrir un Consulat au bénéfice des citoyens saphyriens établis en Ostaria.
Le second, c'est que la publication de ces documents témoigne d'une volonté de la gouvernance ostarienne de se démocratiser, de s'éloigner des régimes les moins fréquentables, et de rompre avec de vieux principes isolationnistes obsolètes dans la conjoncture mondiale actuelle. Alors que le nouveau gouvernement s'apprête à présenter ses premières réformes, il apparaît censé d'envisager une nouvelle approche, d'envisager une remise à zéro dans nos relations, et voir même d'espérer des excuses pour les attaques dont le Corps diplomatique a été, pour notre pays, sa maison impériale et ses citoyens qui ont été injuriés.
Il abrégea son discours alors qu'il aperçut un des huissiers en train de servir le thé près de sa rangée.
Ma question donc, Monsieur le Président du Conseil, sera simplement la suivante : au vu des changements en approche, au vu de ce renouvellement concret de la politique diplomatique d'un acteur qui, à n'en pas douter, émergera comme un grand acteur de la scène internationale, et au vu des enjeux pour notre pays de maintenir de saines relations avec les régimes à tendance démocratique de ce monde, à partir de maintenant, qu'en sera-t-il de nos relations avec la République d'Ostaria ?
Il conclut et retourna en vitesse dans son rang, juste à temps pour demander à l'huissier un thé infusé à la cerise et au caramel.